CommunicationRéseaux

La cybersécurité des réseaux TSN

Le Time Sensitive Networking introduit la notion de temps-réel
dans l’Ethernet standard. Sans entraîner une profonde révision
technologique, la sécurité des réseaux TSN nécessite de tenir
compte du déterminisme qui régit l’acheminement des données.
René Hummen et Oliver Kleineberg de la société Belden nous
apportent leur expertise sur ce point.

En introduisant des propriétés de
communication en temps réel et une
garantie de service, la technologie TSN
pose de nouveaux défis en matière de sécurité
informatique. Ils peuvent heureusement être
gérés par les mécanismes et les procédures de
protection existants et éprouvés, à condition
de s’appuyer sur les bonnes pratiques mises en
oeuvre pour la sécurité du réseau industriel.

Le Time-Sensitive Networking s’appuie
sur un ensemble de normes spécifiées par
les groupes de travail IEEE 802.1 et 802.3 ;
certaines récemment publiées récemment
et d’autres, encore en préparation. Elles
stipulent la nécessité de disposer d’une base
de temps partagée par tous les appareils
reliés à un réseau TSN. Cette compréhension
communément admise du temps est
indispensable pour transmettre des données
de façon déterministe le long d’une trajectoire
planifiée à l’avance, en respectant un délai
connu (latence) avec une variation faible (jitter).

Pour cela, les réseaux TSN s’appuient sur une
méthode appelée : accès multiple à répartition
dans le temps (Time Division Multiple Access ou
TDMA). Les intervalles de temps de ces cycles
sont réservés aux flux de données prioritaires
afin qu’ils soient protégés des autres types
de transmissions. En d’autres termes, une
réservation crée un circuit virtuel entre deux
ou plusieurs terminaux via l’infrastructure TSN.
Pour s’assurer que chaque périphérique respecte
les intervalles de temps attendus, les horloges
internes de tous les périphériques doivent être
synchronisées en s’appuyant sur le protocole
normalisé IEEE 1588, appelé Precision Time
Protocol (PTP).

De nouveaux points
d’entrée pour les
cyber-agressions

Bien connues, les attaques par déni de service
(DoS) consistent à inonder un réseau avec
de grandes quantités de requêtes jusqu’à ce
qu’il soit incapable de remplir sa fonction. La
technologie TSN s’appuyant sur des horloges
synchrones, le protocole PTP ainsi que le
mécanisme TDMA deviennent de nouveaux
vecteurs d’agression. Il suffit par exemple,
de cibler un seul et même intervalle de
temps réservé, pour perturber un flux de
communication critique.

En plus de la surcharge de certains créneaux
horaires, le protocole PTP peut lui-même
devenir une cible. Par exemple, il est possible
de détourner la fonction du serveur-maître délivrant les données de
synchronisation, en utilisant des
paquets PTP falsifiés. Un faux serveur
pourrait ainsi envoyer des spécifications
de latence suffisamment élevées pour
qu’elles sabotent la synchronisation des
intervalles de cycles sur les terminaux
soumis au TSN.

Les mécanismes de la sécurité

Pour l’essentiel, les solutions de sécurité habituelles comme les
pare-feux, restent des dispositifs incontournables pour sécuriser une
infrastructure TSN. Les propriétés temps réel ont cependant, une
influence sur l’approche de certaines mesures de sécurité. Par exemple,
les paquets de données traversant un pare-feu DPI (Deep Packet
Inspection) ne peuvent être inspectés en temps réel puisque son
logiciel doit vérifier la charge utile transmise. Si ce délai n’est pas pris
en compte lorsque des cycles sont réservés, les paquets risquent d’être
retardés jusqu’à dépasser leur temps de latence maximal. Une première
solution consiste à utiliser des pare-feux supportant un mécanisme
déterministe compatible avec les exigences de la technologie
TSN. Une autre possibilité passe par la prise en compte du retard
d’acheminement afin que la planification TDMA soit ajustée lors de la
réservation d’un cycle.

Cette transparence au niveau des délais s’applique également aux
commutateurs (switchs) qui assurent les mécanismes de sécurité
au niveau matériel, comme les listes de contrôle d’accès (Access
Control List ou ACL) et le filtrage des paquets sans état. Même si ces
mécanismes fonctionnent habituellement à vitesse filaire, le faible
retard qui est introduit dans l’acheminement des flux déterministes,
peut perturber les réseaux TSN, où les transmissions reposent sur
une précision de l’ordre de la microseconde, voire moins. Si de tels
mécanismes sont nécessaires à la sécurité, Il est indispensable que
leur influence soit prise en compte dans les calculs de latence et
d’ordonnancement du TSN.

Dans tous les cas, il faut tenir
compte des exigences en
termes de latence et de temps
de cycles des applications. Si
certains types d’inspection
induisent un retard acceptable
à l’intérieur même du réseau
TSN, d’autres ne pourront être
déployés qu’à ses extrémités
de contact avec les autres
zones de communication,
avec lesquelles les retards
de délivrance des paquets
seront tolérables. Il est donc
nécessaire d’identifier les
zones au sein desquelles des
performances déterministes
sont primordiales par
l’importante dépendance qu’entretiennent les équipements connectés
entre eux.

On peut en conclure que la sécurité peut être assurée par des pare-feux
DPI aux interconnexions entre les différentes zones de communication,
tandis que des filtres de paquets ACL peuvent assurer la sécurité à
l’intérieur des zones régies par le TSN.

La sécurité jusqu’à la couche 2 du
modèle OSI

L’un de ces mécanismes, encore en cours d’élaboration dans le cadre
la normalisation de la technologie TSN, est appelé Ingress Filtering and
Policing (IEEE 802.1Qci). Il permet de vérifier si les trames de données
ainsi que leur temps de réception correspondent à un flux de données
réservé. Dans la négative, le paquet est rejeté avant qu’il n’impacte
négativement le fonctionnement du réseau. De plus, des mécanismes
tels que MACsec (Media Access Control Security) peuvent être utilisés
pour authentifier, chiffrer et protéger l’intégrité des différents flux entre
les équipements du réseau.

Là encore, la latence introduite par l’accomplissement de ces
opérations de contrôle doit être prise en compte mais c’est un
très faible prix à consentir pour disposer d’une infrastructure de
communication déterministe ayant l’avantage d’être totalement
indépendante de tel ou tel constructeur ou éditeur de logiciel.

Informations issues d’un document publié par le Dr. René Hummen et le
Dr. Oliver Kleineberg de la société Belden.

j109_48-49

Ces articles peuvent vous intéresser :