Robotique

Des robots, créateurs ou destructeurs d’emplois ?

L’emploi industriel déclinet-
il à mesure que les robots
investissent les usines ?
L’une des dernières notes
de synthèse publiées par
La Fabrique de l’Industrie1,
montre qu’il convient de
distinguer plusieurs effets qui
interviennent à des échelles
et sur des horizons temporels
différents.

 

A l’inverse des précédentes
périodes de progrès technologique
qui ont vu chuter
l’emploi industriel en dépit d’une
augmentation des volumes de
production, certains experts estiment
que la transition vers l’Industrie
du Futur pourrait entraîner
un redressement de l’emploi dans
le secteur.

En investissant dans l’automatisation
de son outil de production,
une entreprise augmente son
intensité capitalistique et réduit
en conséquence le poids des coûts
salariaux dans ses coûts de production.
Le choix de la localisation de
ses activités productives est ainsi
moins conditionné à des questions
de coût du travail, d’autant que
l’avantage comparatif des pays
émergents en la matière commence
à se réduire.

Mais, mesurer l’emploi dans le
secteur manufacturier reste-t-il un
indicateur pertinent de la performance
industrielle d’un pays ?
Certains économistes préfèrent
ainsi la notion de « sphère productive »
à celle de « secteur industriel », parce
qu’elle agrège les activités purement
industrielles et les services qui leurs
sont liés. Les nouveaux métiers
créés suite aux évolutions techniques
sont en effet nombreux
à être comptabilisés dans les
services bien qu’ils soient totalement
orientés vers l’industrie. C’est
par exemple le cas des intégrateurs
de robots, des bureaux d’études,
de l’organisation de la production,
etc. En raisonnant ainsi, le nombre
d’emplois sortant de la sphère
productive du fait de l’automatisation
est bien moins important : selon l’Insee, la sphère productive
représentait encore en 2011 plus
du tiers de l’emploi total, contre
seulement 11,5 % pour l’emploi
industriel.

Sur les trente dernières années,
les fonctions exercées au sein de
l’économie productive ont radicalement
changé de nature, les
services à l’industrie et les fonctions
de « production abstraite » (conception-
recherche, prestations intellectuelles,
etc.) prenant progressivement
le pas sur la « production
concrète ». La robotisation a donc
un impact sur la composition de
l’emploi d’un pays mais, au-delà de
ces effets de structure, elle entraîne
également des changements dans le
contenu et les modes de travail au
coeur des usines.
Les hommes ne disparaîtront pas
des usines mais leur place sera très
probablement amenée à évoluer.
Selon Marc Alochet, expert leader
en assemblage final chez Renault,
« malgré l’automatisation et la robotisation
de nombreuses opérations de
fabrication, l’homme restera au centre
de l’usine du futur pour au moins deux
raisons. En premier parce que dans un
système complexe, la capacité d’adaptation
face aux incidents, la prise en
compte raisonnée de l’événement et
de son impact ainsi que la capacité à
y répondre de la façon la plus appropriée
resteront, longtemps encore,
l’apanage de l’homme. La seconde
raison est liée à la compréhension
fine du produit lui-même en matière
d’amélioration de la qualité et d’interaction
des systèmes connectés. »

Une nouvelle manière de considérer
la relation entre le travail
humain et celui des robots, se
dessine dans un esprit de complémentarité
plutôt que de substitution.
Les robots semblent pleinement
indiqués pour réaliser des
tâches répétitives, dangereuses ou
pénibles, nécessitant de la fiabilité
et de la précision dans la répétition.
Le niveau de dextérité pour réaliser
une tâche constitue toujours une
barrière à la robotisation mais ce
sont surtout les activités requérant
de la créativité et de l’intelligence
sociale qui y résisteront le mieux.
Partant, les opérateurs ne seront
plus assignés aux tâches d’exécution
mais ils interviendront en support
sur des tâches de contrôle, de
maintenance, etc. A titre d’exemple
on peut imaginer qu’ils ne seront
plus affectés toute la journée au
pilotage d’une machine, celle-ci
devenant toujours plus autonome.
Les technologies de l’Industrie du
Futur permettront de superviser
le fonctionnement de plusieurs
machines à la fois via des outils de
monitoring dédiés. En plus de ses
compétences techniques, le salarié
devra développer des compétences
plus transversales, plus spécifiques
à l’utilisation du numérique.
La cobotique est un autre exemple
des synergies qui peuvent être
développées entre la machine et
l’homme. Le robot collaboratif
ne vise pas à remplacer l’homme
mais à l’assister dans des tâches
pénibles ou répétitives, en démultipliant
par exemple ses capacités
physiques ou en améliorant la
précision de ses gestes. L’Usine
du Futur porte l’espoir d’un enrichissement
du travail industriel,
facteur d’attractivité pour le secteur
alors que de nombreuses entreprises
peinent toujours à recruter
sur certains postes réputés
pénibles.

L’organisation et le contenu du
travail sont en particulier déterminés
par la stratégie poursuivie par
l’entreprise. Si celle-ci recherche
essentiellement la compétitivité par
les prix, il y a peu de chance qu’elle
sorte d’une logique de division
technique du travail dans laquelle
le salarié est considéré comme un
coût qu’il faut minimiser.

A l’inverse, si une entreprise
construit son avantage de compétitivité
sur l’innovation et la qualité,
elle sera d’autant plus attentive à
exploiter les compétences spécifiques
aux salariés, à se soucier de
leur implication, à instaurer une
organisation du travail qui favorise
l’autonomie, l’initiative et la créativité.
La formation des salariés
représente dès lors un enjeu majeur
pour réussir cette transition. Les
salariés touchés par l’automatisation
de certaines de leurs tâches
peuvent être assignés à d’autres
fonctions à condition de bénéficier
des formations adaptées. Si elles
ne veulent pas s’exposer à un turnover
important, les entreprises
doivent donc s’emparer de ce sujet
et se préparer à accompagner leurs
salariés, à les
faire monter
e n c omp é –
tences pour
qu’ils puissent
a ssurer ces
n o u v e l l e s
fonctions.

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