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Tunnel A86 : un trésor technologique sous-terrain

La partie sous-terraine de l’A86 entre
Rueil-Malmaison et Velizy est sans doute le tronçon d’autoroute le mieux
surveillé en France. Plongeon au cœur d’un arsenal technologique au service de
la sécurité des automobilistes.

 

On ne le
sait pas, on ne le voit pas, même pas lorsque l’on circule à l’intérieur, mais
le tunnel de l’A86 percé entre Velizy (Yvelines) et Rueil-Malmaison
(Hauts-de-Seine), dans l’Ouest parisien, est tout sauf un tunnel comme les
autres. D’abord, la structure de cet ouvrage à 2,2 milliards d’euros est très
particulière : c’est un duplex, un tuyau de 10 mètres de diamètre
renfermant deux niveaux dans lequel les voitures circulent, sur 10 km, les unes
au-dessus des autres, et qui débouche sur un échangeur sous-terrain à son
extrémité sud. Et tous les kilomètres, des sorties de secours sont aménagées
vers la surface avec … un ascenseur à véhicule pour permettre l’accès aux
pompiers ! Mais surtout, pour préserver la sécurité des 30000 véhicules
qui le traversent chaque jour (Cofiroute, le concessionnaire qui l’exploite,
prévoit même 50000 véhicules/j dans dix ans), il renferme un arsenal de
matériel de haute technologie.

 

Haute surveillance

Les chiffres
donnent le vertige : dans ce tunnel, 600 caméras scrutent les voies en permanence
(une tous les 80 mètres !). 800 extincteurs sont disposés le long de la
route, plus de 70000 capteurs de toutes sortes auscultent le tunnel à chaque
instant et des boutons d’appel d’urgence sont placés tous les 40 m. Côté
ventilation, plus de 65 ventilateurs et 56 extracteurs, installés par cantons,
sont chargés de faire circuler l’air (débit installé : 2000 mètres cubes
par seconde) dans l’immense tuyau et 4 rideaux d’air permettent d’isoler les
fumées si nécessaire. Grâce à des mesures de température et de pression partout
dans le tunnel et à ce dispositif de ventilation transversale et longitudinale,
il est possible de canaliser les fumées et de les évacuer en quelques minutes,
à raison de 90 m3/s. En règle générale, « les automobilistes ne
voient même pas qu’il y a un feu », assure Philippe Sergent, directeur
régional de Cofiroute, filiale de Vinci Autoroutes, en charge du tunnel et de
ses 110 employés.

 

Une architecteur archi-sécurisée

Pour faire fonctionner
tout cela en toute sécurité, « tout est construit « au cas
où » », annonce le directeur en charge du tunnel. L’alimentation
électrique est réalisée par trois lignes de distribution et 80 onduleurs,
assurés par 4 groupes électrogènes de 2 MW chacun. Le cahier des charges était
clair : avoir trois niveaux de redondance !

Capteurs,
signaux, feux à éclat, 800 extincteurs, contrôle d’accès, arrêts d’urgence…
tout est relié au système sur des racks d’entrées sorties. Pour plus de
sécurité, les cheminements de câbles sont séparés par demi-tunnel. Toutes les
informations remontent sur 19 paires d’automates de terrain GE. Au-dessus,
trois paires d’automates concentrateurs collectent les informations et gèrent
les actions transversales. Bien sûr, le réseau principal d’acquisition, qui
repose sur une technologie à fibre optique de GE baptisée Reflective Memory
(RFM), est doublé et communique avec trois paires de serveurs Simplicity de GE.
Le tunnel exploite d’ailleurs quantité de réseaux distincts dédiés aux bases
de données temps différé (base sql), aux applications, à l’active directory, aux
postes opérateurs, à la maintenance et l’administration des automates, aux
matériels d’exploitation (talky-walky, téléphone, FM…), ou encore  à la vidéo.

 

Un centre névralgique

24 H/24, 20
personnes suivent de très près le trafic, les événements de trafic, les
systèmes et les équipes au poste de contrôle et de surveillance (PCS) à
Rueil-Malmaison. Un endroit stratégique. Aération, ventilation, éclairage, feux
de signalisation, dispositifs anti-incendie, tout est géré ici par le Système
de supervision et Contrôle commande (SSCC) et un Système d’aide à
l’exploitation (SAE). Les personnes en charge des opérations ont à leur
disposition quatre écrans pour le poste de supervision, un poste dédié au SAE,
un autre affichant quatre images – au choix – provenant des caméras  du tunnel, deux autres postes libres et un
immense mur d’image affichant le tracé du tunnel et diverses informations
complémentaires.

Le SSCC
supervise 26 systèmes différents. Sa mission ? « Il informe, gère les
alarmes et les plans d’action, asservit les équipements et exécute les
commandes », répond Stéphane Lassin, en charge de l’exploitation du tunnel.
Ce super-superviseur traite 500000 informations composites en temps réel !
« Cela représente 150000 points de contrôle-commande, contre 50000 au
Mont-blanc », déclare Philippe Sergent. Les données sont analysées en
permanence, et affichées au travers de 450 IHM différentes.

Le SAE,
quant à lui, se charge des alarmes. Quand un défaut remonte, il affiche
aussitôt les caméras situés à proximité de l’endroit concerné. « Cela
permet à l’opérateur de qualifier l’événement », explique Stéphane Lassin.
Le logiciel lance également des actions réflexes et propose un plan d’action. Tout
est possible, comme inverser le flux de fumée ou arrêter l’aspersion en cas
d’incendie, depuis le centre. C’est cependant l’opérateur superviseur qui prend
les décisions et lance des macro-fonctions depuis son poste. « Nous
voulons que l’exploitant garde la main sur les actions », commente
Stéphane Lassin.

 

R.A.S

Le
dispositif mis en place ne laisse rien au hasard. Le système est ainsi capable
de détecter les anomalies (par exemple une hausse anormale de la température)
en 3 à 4 secondes et les équipes interviennent dans les 5 minutes. Dans le PCS,
une règle d’or : si dans les trois minutes, l’opérateur superviseur n’a
pas décidé de la marche à suivre, la machine ferme l’ouvrage. Mais pas question
d’en arriver là, car la fermeture de l’ouvrage implique celle de 9 bretelles.
Il faut donc tout faire pour éviter cela. Mais l’expérience parle pour
l’exploitant : « Depuis l’ouverture de l’ouvrage, nous n’avons connu
que deux incendies de véhicules et deux cas de circulation en sens inverse »,
note le responsable de l’exploitation. Cofiroute a encore près de 70 ans de
concession pour améliorer son score…

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