Informatique-Industrielle

La documentation électronique vient au secours des automaticiens

Désormais, des outils de gestion automatique de documents
sont capables de garantir la traçabilité complète des interventions sur les
automates, les variateurs et les capteurs d’une usine. Preuve à l’appui.

 

La gestion électronique des
documents peut-elle venir au secours des automaticiens afin d’améliorer le
suivi et la maîtrise des modifications de programmes opérées sur leurs
installations ? C’est l’une des questions que s’est posé le Club
Automation lors de sa dernière réunion.

 

Le papier a ses limites

Il existe un réel besoin
dans ce domaine. Entre les schémas de câblages sur papier et les programmes
stockés dans les armoires mais non mis à jour, ceux sauvegardés sur des
supports isolés faciles à perdre et les modifications effectuées sans en garder
une trace, il est parfois difficile pour l’automaticien de disposer « du bon
programme pour le bon automate au bon moment ». La solution ? Laisser la main à
un logiciel de gestion électronique des documents d’automatisation. « Ces logiciels
permettent de répondre à des questions et des préoccupations simples chez les
utilisateurs : Mais où sont donc les plans à jour de cette armoire ? Comment
être certain de ne pas télécharger un mauvais programme sur une machine ? Quel
est mon programme référence sur telle installation ? Quelle est la dernière
version à jour ? Si quelque chose ne fonctionne pas, comment puis-je revenir en
arrière ? Nous avons perdu les commentaires relatifs à notre programme, nous ne
pouvons pas gérer correctement chaque version. 
Nous ne sommes pas certains d’avoir le programme et la documentation à
jour de chaque actif dans notre installation », commente Olivier Vallée,
responsable marketing chez Rockwell Automation.

 

Des fonctions indispensables

Afin de sécuriser les actifs
(on parle aussi d’assets) dans l’usine (les automates, mais aussi les
variateurs, les capteurs, les swiths, etc.), un tel logiciel doit assurer des
fonctions de base : un archivage centralisé des fichiers électroniques sur un
serveur central avec des accès sécurisés , le suivi des actions des
utilisateurs, la sauvegarde et la récupération des configurations d’actifs
opérationnels et la génération de rapports sur l’ensemble des opérations.

Rokwell automation édite un
outil de ce type baptisé AssetCentre. La fonction d’archive y est assurée sur
un serveur, sur une base de données SQL. L’utilisateur peut archiver tous types
de fichiers électroniques avec un contrôle de la source et la possibilité
d’archiver des versions multiples. « Le serveur stocke tout et les postes clients
font un « check-out », c’est dire qu’ils vont chercher une copie locale du
fichier. Une fois la modification effectuée, l’opérateur fait un « check-in »
pour le renvoyer vers le serveur », explique Olivier Vallée. Côté traçabilité,
« l’application suit tout ce qui se passe sur les fichiers : les événements les
audits, l’heure de modification de survenance, la source, la machine concernée
», poursuit-il. La sécurité est assurée par un système d’authentification des
utilisateurs. Pour assurer un retour rapide à la normale en cas de sinistre, le
système assure une sauvegarde automatique et périodique de la configuration et
des programmes des automates, qui peuvent être comparés avec une version
archivée de référence (on dit épinglée) à la reprise.

Evidemment, l’utilisation
d’un tel dispositif s’accompagne de quelques contraintes. D’abord, « tous les
actifs doivent être connectés au serveur par un réseau avec une liaison
bidirectionnelle », note Olivier Vallée. Et surtout, « on ne met pas cela en
place sans une organisation et des procédures. Le logiciel n’est pas la
panacée, il est un support de la modification structurelle et des procédures de
travail de l’entreprise ».

 

Exemple dans la pharmacie

Filiale de Servier
spécialisée dans la fabrication de principes chimiques actifs, Oril Industrie,
installé sur deux sites à Bolbec (seine-Maritime), utilise cette solution. «
Nous mettons en œuvre des programmes assez complexes et nous faisons face à une
obligation de traçabilité dans touts ce qui concerne les changements sur les
automates. », commente  Emmanuel Morel,
chargé de l’installation du système. « Pour cela, auparavant, nous utilisions
un serveur de fichiers. Nous avions une zone projet offline, un espace de
référence ou nous avions nos versions de programmes qualifiés et un espace de
sauvegarde », explique-t-il. Cet espace de sauvegarde archivait toutes les
versions de programmes depuis des lustres, car en pharmacie, il est nécessaire
de garder l’ensemble des versions de programmes, en particulier en cas d’audit
( Oril en subit entre 3 à 5 par an). La traçabilité était assurée manuellement
dans des fichiers Excel. Un système fonctionnel, mais qui manquait de
précision. « La possibilité d’erreur liée à la saisie manuelle n’était pas
écartée cela n’offrait pas une précision maximum des informations relatives à la
modification. En outre, l’horodatage se limitait à la journée alors que nous
lançons souvent plusieurs batchs par jour. Seuls les modules impactés étaient
identifiés par une version N+1, sans avoir le détail du code modifié. Enfin,
cette solution n’offrait pas de liens entre les versions de programmes et un
ordre de modification, qui doit toujours être associé à une plage horaire
précisée par le service qualité. Au niveau des dates, nous avions souvent du mal
à avoir de la correspondance », se rappelle Emmanuel Morel.

En 2009, l’entreprise a
implémenté Assetcentre. « L’application a été installée en 2009 et est
opérationnelle depuis un an et demi », déclare Emmanuel Morel. Désormais «
quand on a un ordre de modification, on émet un MC, c’est-à-dire le détail
exact de la modification. Ce document permet d’avoir une autorisation
d’intervention par le système qualité et HSE, qui analyse l’impact de la
modification ». L’installation est alors mise à disposition (pas question
d’intervenir sur une automate pendant la production). Les automaticiens
effectuent alors un check-out des programmes impactés, les modifications sont
réalisées en ligne, puis validées et testées. « Quand on est conforme et on
clôture. Enfin on fait le check-in et la base archive prend une version N+1 »,
poursuit Emmanuel Morel. Oril a défini plusieurs groupes de personnes
différents : les entreprises extérieures, les personnels de maintenance de
premier niveau, les développeurs, les deux administrateurs. Ainsi, personne ne
peut avoir accès à un programme sans autorisation. Et évidement, un programme
ne peut être sorti que par une seule personne à la fois. Un point capital quand
on fait intervenir des entreprises extérieures chez soi… Quant à la procédure
de sauvegarde, elle prévoit une sauvegarde full par semaine, une sauvegarde
différentielle par jour et une sauvegarde de log toutes les demi heures.
Autrement dit, en cas de crash, Oril ne perd que trente minutes de données.

 

Le petit plus d’Oril

Soumis à des obligations
strictes et contraint de justifier très rapidement (on parle de minutes) face à
un auditeur une modification apportée plusieurs années plus tôt, Oril utilise
le module de reporting d’Assetcenter, mais a développé un outil « maison ». «
Nous voulions pouvoir ressortir l’ensemble des modifications faites sur une
version », explique Emmauel Morel. Pour cela, l’outil pioche dans la base SQL,
via des requêtes. « On peut ainsi savoir combien de versions il y a eu pour un
automate pour un ordre de modification et le détail de tout ce qui a été fait
sur cet automate ». La machine génère ensuite un PDF récapitulatif. Le service
Assurance qualité peut lui aussi consulter cette base pour vérifier les dates
de modifications. De la même façon, pour débloquer une situation, les
opérateurs de maintenance de premier niveau peuvent aussi aller chercher une
copie d’un programme (qu’ils ne pourront pas modifier).

De l’aveu d’Emmanuel Morel,
la mise en place d’un tel outil est parfois difficile à faire accepter aux
personnels, car ils se sentent « fliqués » et bridés dans leurs prérogatives.
En outre, « Avec le serveur de fichier, les intervenants nommaient les
programmes comme ils le voulaient et au bout de 6 mois, le programme ne
s’appelait plus comme on l’avait qualifié. Là, le programme ne peut pas changer
le nom. Cela oblige les gens à être plus rigides qu’avant ». Mais les aspects
positifs l’emportent vite. « Désormais, Nous avons accès en temps réel à toutes
les actions qui sont faites dans les automates en termes de modification et
assurer la traçabilité pour un ordre de modification référencé chez nous par
une demande de travail », explique-t-il.

 

A chacun son métier…

Le système gère 135 automates et va encore évoluer. « Nous sommes en
train de travailler sur la partie capteur. L’idée, c’est que tous les capteurs
qui vont être suivis métrologiquement seront entrés dans le logiciel pour en
avoir la sauvegarde et assurer la traçabilité des interventions. Pour l’instant
tout est fait à la main. Nous allons aussi ajouter dans le logiciel 70
variateurs et les réseaux ControlNET et DeviceNET ». Mais attention, fort de
son expérience, Emmanuel Morel préconise une précaution : bien séparer la
partie automatisme du réseau bureautique, bien séparer le métier
d’informaticien de celui d’automaticien, et même ne pas trop mélanger les
parties GMAO, MES et Automatismes.

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