Robotique

Les robots aux portes des ateliers d’usinage

Un robot polyarticulé capable de
faire le travail d’une machine-outil. On nous le promet depuis plusieurs années
déjà. Des solutions existent, mais il reste encore du travail avant de passer
au stade « industriel ».

 

Le robot usineur, ça existe. Et pas uniquement des modèles qui fraisent
des matières « tendres » ! Pour preuve, sur le salon Industrie Lyon
2013, ABB exhibait fièrement plusieurs pièces usinées avec une de ses machines,
dont des aubes de turbine en aluminium. De quoi réveiller l’intérêt des
industriels…

Le Suédois est même allé plus loin. Dans le cadre d’une étude interne,
« Depuis un ans, nous avons réalisés plusieurs essais d’usinage pour voir
jusqu’où on pouvait pousser nos robots », commente François Malatier, business
development robotique, en charge du développement des applications d’usinage
robotique chez ABB. En particulier, son équipe a attaqué, avec un IRB 6620, de l’aluminium,
de l’acier E24, utilisé notamment dans le bâtiment et la construction navale,
et de l’acier A60, employé généralement pour des pièces de mécanique générale. Résultat,
son robot atteint des précisions dignes d’usinages de « mécanique
générale », avec quelques dixièmes de millimètres (± 0,3 mm sur 1 m) pour des débits de 20 cm3/min dans
l’acier et 100 cm3/min dans l’aluminium. C’est certes beaucoup moins
que ce que fera une machine-outil classique, mais cela ouvre des perspectives.
D’autant que, selon le spécialiste, les résultats sont meilleurs avec des
robots à parallélogramme dotés de réducteurs à engrenages classiques, tels que
ses IRB 2400, 4400 et 6600, plus rigides, et « on peut faire encore mieux
en utilisant des moyens de mesure supplémentaires », assure François
Malatier.

 

Rien de neuf ?

Régulièrement, des constructeurs de robots démontrent que l’usinage du
métal avec un bras articulé est possible. L’Allemand Reis Robotics a ouvert le
bal il y a plusieurs années, suivi, entre autres, par Kuka, Staubli et le Cetim
qui iont mis au point une cellule ensemble, et désormais ABB. Reste que dans
les faits,  les installations que l’on
retrouve dans les usines se cantonnent à des applications bien circonscrites
comme le fraisage de glaise ou de mousse dans des ateliers de design,
l’ébavurage de fonderies d’aluminium, le détourage…  Car si les robots présentent des avantages
majeurs face à des machines-outils (MO) à la structure cartésienne, à commencer
par la flexibilité, la capacité à atteindre des endroits inaccessibles sur une
pièce torturée ou encore la possibilité d’être déplacés (par exemple sur un
septième axe) et donc de rendre la taille de la zone de travail quasi infinie,
certaines limites les brident encore leur manque de rigidité et de précision.  « Un robot est « flexible ».
Même si l’on peut travailler sur la rigidité du bras et des réducteurs, on aura
toujours une notion vibratoire qui pourra polluer la qualité de trajectoire. De
plus, un robot n’est pas naturellement précis. On peut le rendre plus précis,
mais il n’aura jamais, en tout cas à ce jour la précision d’une
machine-outil », détaille Nicola Couche, chef de produits Robots chez
Fanuc. On parle ainsi de plusieurs dixièmes de millimètre (en répétabilité) pour
un robot, contre un centième de millimètre sur la plupart des machines-outils
du marché…

 

Deux mondes différents

En termes de programmation, également, le monde du robot et celui de la
machine-outil sont très différents. «  En commande numérique, on utilise
le langage ISO bien connu dans les ateliers. Le robot, lui, ne connaît pas ce
langage, note Luc Losson responsable marketing machine-outil chez Siemens. Des
solutions mises en œuvre actuellement, par exemple retirer la baie du robot et
de commander directement ses moteurs à l’aide des variateurs pilotés par la
commande numérique, ou utiliser un réseau de terrain pour faire dialoguer la
commande numérique et la baie du robot », poursuit-il. Siemens travaille
notamment sur ce sujet avec Kuka mais, pour l’heure, les deux Allemands se
focalisent davantage à l’intégration des robots dans l’univers des
machines-outils, en permettant de commander un robot, alors périphérique de la
machine, directement depuis sa CN, sans nécessiter de connaissances
particulières de programmation de robots.

Pour définir les trajectoires du robot et le programmer, ABB passe pour
sa part par un logiciel de CFAO : MasterCam/RobotMaster. Son
intérêt : « c’est une suite complète qui intègre la simulation
d’usinage et des outils d’ajustement de paramètres robots », note François
Malatier. C’est d’ailleurs une voie classique pour programmer une machine-outil
5 axes…

 

Vraiment moins cher ? 

En termes de coût, le robot polyarticulé est-il avantageux face à une
machine-outil ? Ça se discute. Pour Luc Losson. « Les solutions actuelles
ne sont pas au stade de la série, elles ne sont pas optimisées en termes de
prix. Sur des applications particulières, le robot peut avoir un avantage prix,
mais pas vraiment dans le domaine de l’usinage », explique-t-il. En
particulier, si le robot sera sans doute toujours moins cher qu’une machine à 5
axes, l’avantage sera peut-être beaucoup moins marqué face à un centre
d’usinage 3 axes d’entrée de gamme. Par contre, « quand le robot est intégré
comme un moyen multimétiers capable de prendre une pièce brute, de l’usiner, de
réaliser d’autres opérations comme du brossage ou du nettoyage, et de reposer
la pièce finie, il devient très compétitif face à une cellule qui, de toute
façon, associera une machine-outil et un robot », note François Malatier.

 

Des développements à venir

Les travaux continuent. «  Il y a beaucoup de paramètres qui
rentrent en ligne de compte. Fanuc y travaille depuis un certain nombre
d’années. La rigidité, la conception des bras robots, celle des réducteurs, la
précision absolue… Il y a beaucoup de voies de travail comme la compensation
par des systèmes tiers en dynamique. Il existe des solutions mais des solutions
qui vont encore plus loin devraient arriver dans les prochaines années »,
annonce Nicolas Couche. « Dans les applications vraiment rigides, je ne
vois pas de remplacement des MO par les robots », ajoute Luc Losson. Par
contre, selon le spécialiste de la commande numérique, on les retrouvera sans
doute dans d’autres domaines où l’on utilise aussi des machines-outils, comme
le composite, où la rigidité n’est pas primordiale. François Malatier, pour sa
part, est plus optimiste. « Il ne s’agit pas d’être en concurrence
frontale avec des machines-outils dans tous les cas. Mais pour réaliser des
usinages de type multifaces sur une pièce ou d’aller usiner un détail qui ne demande
pas une très grande précision dans un recoin d’une pièce complexe, le robot a
largement sa place », assure-t-il. D’ailleurs, le Suédois aurait même déjà
vendu des applications d’usinage dans l’acier suite à ces essais.

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