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Profinet met le turbo

Après la bataille des bus de terrain, l’association Profibus passe le turbo avec Profinet. Maintenant ce sont les chips qui arrivent sur le marché, et donc la démocratisation des applications. Voici, un bilan complet de Profinet qui, pour aller le plus vite possible, va se servir de Profibus comme tremplin.
Après la bataille des bus de terrain, l’association Profibus passe le turbo avec Profinet. Jusqu’ici nous vous avions présenté les grandes lignes techniques de ce nouveau développement lancé il y a quelques années. Maintenant ce sont les chips qui arrivent sur le marché, et donc la démocratisation des applications.
La meilleure preuve c’est le timing annoncé par l’association qui laisse peu de temps aux improvisations. La sortie des Asics et la version sécurité sont déjà planifiées pour la fin de l’année prochaine. Seule la version process ne fait pas partie des priorités des douze prochains mois.
Voici, un bilan complet de Profinet qui, pour aller le plus vite possible, va se servir de Profibus comme tremplin.
Les bus de terrain majoritaires
L’association annonce avoir implantée dans le monde industriel dix millions de nœuds, que ce soit dans le domaine du manufacturier ou du process.
Les premières analyses montrent un taux de pénétration des bus de terrain assez impressionnant. Pour ceux qui ont suivi les batailles des dernières années, il faut de remémorer qu’il y a dix ans, la quasi-totalité des câblages se faisait en fil à fil entre l’automate central et les capteurs/actionneurs.
Aujourd’hui, le taux de pénétration serait de 60-65% dans le monde manufacturier. C’est-à-dire qu’une nouvelle installation d’une unité de production utilisera la technologie des bus de terrain dans plus de 60% des cas. Le câblage fil à fil ne représentant plus que 35-40% des applications nouvelles.
Un vrai succès remporté par les bus de terrain qui ont su s’imposer dans le monde manufacturier. Dans le process, les choses se font beaucoup plus lentement, le câblage Hart ou 4-20 mA serait encore adopté dans une nouvelle unité en construction dans 78-80% des cas. Les bus de terrain ont encore du chemin à faire, c’est d’ailleurs la principale raison qui a poussé l’association Profibus International à investir prioritairement dans le manufacturier.
Et si des variantes existent en fonction des pays d’implantation, la position de Profibus étant la meilleure sur le sol européen, le nombre total de nœud réseau est largement en faveur de Profibus. Avec ses dix millions, il est suivi par Interbus avec 6,5 millions de nœuds. En troisième position on trouve DeviceNet, suivi de près par CCLink, DeviceNet ayant la plus grosse part de marché aux Etats-Unis et CClink étant leader sur le marché asiatique.
C’est fin 1999 que l’association Profibus a envisagé une extension Ethernet pour Profibus. Dans un premier temps, pour cette extension, il était envisagé d’encapsuler des trames Profibus dans des trames Ethernet. Mais les avantages paraissaient insuffisants. Il fallait dissocier les deux offres, Profibus étant plutôt destiné aux entrées-sorties déportées, et Profinet aux automatismes répartis.
La différence entre ces deux notions, c’est que sous le terme d’automatisme réparti chaque station est un système automatisé indépendant, avec ses automates et ses entrées-sorties déportées.
D’E/S déportées à automatismes répartis
Profinet, va t-il casser l’ascension de Profibus ? Pour l’association, Profinet n’annonce pas la fin de Profibus. Dans les quatre ans à venir, le nombre de 20 millions de nœuds devrait être atteint par Profibus, soit le double de la base installée. Et cela en raison des applications de gestion d’axes ou de sécurité qui sont opérationnelles sur Profibus et pas encore mises en œuvre avec Profinet.
Mais l’utilisateur doit-il attendre Profinet ? C’est justement ce qu’ont voulu éviter les promoteurs de cette solution basée sur Ethernet. Les investissements faits sur Profibus seront compatibles avec la solution Profinet. Profinet devrait apporter des atouts prolongeant les possibilités de Profibus.
Dernier élément en faveur de Profinet, c’est l’association Interbus, et notamment Phoenix Contact, le précurseur en la matière, qui vient de rejoindre le consortium Profinet. L’avenir d’Interbus est clairement Profinet, il n’y aura pas de solution InterbusNet, le passage d’Interbus se faisant en douceur vers Profinet.
Dans les années à venir, la vraie bagarre sera celle des chips, sorte de piège des nouvelles technologies. Au départ, tous les fondeurs se battent pour produire en quantité suffisante un nouveau composant prometteur, mais au fil des ans le piège se referme, car il faut commander des quantités importantes de composants pour maintenir des prix de vente compétitifs.
A ce petit jeu, certaines puces pour bus de terrain ont tendance à se raréfier. Sous couvert d’anonymat, certains utilisateurs avouent ne plus pouvoir trouver de chips pour certains bus, rendant la compatibilité et les connexions impossibles. Du coup, plus personne ne veut développer de cartes ou de capteurs/actionneurs ayant un bus de terrain dont la pérennité des chips n’est plus assurée.
Pour Profinet les chips sont annoncés pour fin 2004 pour les Ertec 400 et pour fin 2005 les Ertec 200. Sous ces noms se cachent les éléments de base de la technologie.
Car parler d’Ethernet c’est bien, mais encore faut-il qu’il apporte un plus notable, et jusqu’ici Ethernet était plutôt une solution sans temps réel, avec une topologie en étoile.
Il fallait tout revoir, et c’est bien ce que propose Profinet. Premier critère, le temps réel, où plutôt le déterminisme qui va garantir qu’une action sera faite dans un temps donné. Si ce temps est de l’ordre des 40 ms, comme pour les applications dans le bâtiment ou le tertiaire, le canal standard TCP/IP et UDP/IP sera utilisé. C’est la solution pour les communications verticales.
Pour les informations de process, il faut descendre au minimum au 5/10 ms et dans ce cas il faut shunter TCP/IP pour le remplacer par une couche temps réel (RT) qui permet la transmission des données en mode cyclique ainsi que les messages/alarmes événementiels.
Troisième solution, la transmission des données avec un temps de cycle garanti de 1ms, avec une gigue de 1 microseconde, et cela en utilisant toujours le même câblage. Cette solution est appelée IRT, dans ce cas les Switch sont directement intégrés dans l’Asic afin de garantir le déterminisme.
Trois solutions Ethernet
Ces trois modes utilisent des trames Ethernet standard pour transmettre l’information. La bande passante est partagée en deux canaux qui peuvent être utilisés indépendamment ou simultanément.
En Fast Ethernet, le Giga Ethernet n’étant pas à l’ordre du jour dans les applications industrielles, l’utilisation de la pile TCP/IP n’est pas assez efficace pour atteindre les temps de cycle de 5 à 10 ms. Le mode de transmission RT court-circuite la pile et réduit les temps de traitement. Du coup RT a un niveau de performance comparable aux bus de terrain actuels. Il autorise le transfert de données cycliques et acycliques avec un débit élevé et une gestion d’événements. Les paramètres de qualité de service sont utilisés pour donner la priorité aux trames RT. Le canal RT peut être comparé à une voie spécifique réservée pour les bus sur un axe de circulation.
Avec IRT on n’excède pas la milliseconde. IRT est un canal de communication optionnel situé à côté du canal Ethernet standard. Le terme isochrone signifie que chaque trame est envoyée avec un intervalle de temps très précis. Cela nécessite une synchronisation dite isochrone des flux de données entre les différents équipements. Le canal IRT partage une trame avec le canal Ethernet standard. Un système de découpage temporel répartit la bande passante en créneaux libres, chacun étant dédié à la communication avec un équipement.
Cette solution IRT va être adaptée aux solutions de Motion control, la version RT étant plutôt destinée aux entraînements simples. Dans le cas d’une application d’imprimerie les développeurs de Profinet annonce la possibilité de connecter et faire dialoguer, avec un délai inférieur à 1 ms, jusqu’à 150 servomoteurs tout en laissant la possibilité de transmettre simultanément jusqu’à 6 Mbits/sec de données TCP/IP. Avec 70 nœuds, le volume des données peut atteindre les 9 Mbits. Une autre possibilité prévoit des temps de cycle de 250 microsecondes, avec 35 nœuds possibles et un volume de données sur TCP/IP de 6 Mbits.
C’est pour répondre à cette demande que deux Asics IRT switches ont été développés. L’Ertec 400 comporte 4 ports, il est prévu pour équiper les contrôleurs et n’intègre pas la couche physique Ethernet, il est connecté au contrôleur par l’intermédiaire d’un bus PCI et sera commercialisé pour 38 euros. L’Ertec 200 comporte deux ports, il est prévu pour les équipements de terrain, et intègre la couche physique d’Ethernet. Pour 19 euros il sera possible de l’intégrer par exemple dans une commande d’axes.
Les profils suivent
Le temps réel réglé, le deuxième impératif était de garder la connexion des composants de terrain. Profinet prend en charge cet aspect avec une utilisation des modules d’entrées-sorties existant sans changement, tout autant qu’ils possèdent une connexion Ethernet. Pour la programmation c’est la même chose : le programme utilisateur garde ses instructions, l’utilisateur ne change rien, les profils développés avec Profibus sont intégrés dans Profinet, pour l’utilisateur la configuration sera identique.
Chaque équipement Ethernet I/O a un numéro d’identification, comme sur Profibus, ainsi qu’un fichier de configuration similaire au GSD. Ce fichier est écrit en XML, d’où son nom de fichier GSDML. Il est éditable à partir d’un éditeur du marché. Le fichier GSDML définit d’une part les relations applicatives entre les automates et les équipements de terrain. D’autre part, il détermine l’établissement des communications, basées sur les options standard ou temps réel de Profinet.
UDP/IP est utilisé pour la configuration, puis RT, voire IRT prend le relais pour l’échange cyclique des données entre automate et équipements.
Par exemple avec Profibus l’interface ProfiDrive reste indépendante des constructeurs et garantit l’interopérabilité entre les drives et le contrôleur de déplacement. Ce profil d’application est reconduit à l’identique sur Profinet. La démarche est similaire avec ProfiSafe qui est un profil d’application indépendant du réseau utilisé, la même technologie est utilisée pour Profibus et Profinet. Les données de sécurité et de contrôle commande se faisant sur le même câble.
En ce qui concerne l’automatisation répartie, on retrouve les Component Based Automation, une solution qui considère chaque unité comme indépendante avec une intelligence répartie. Profinet réutilise les modules technologiques, chaque module est une fonction réutilisable et disposant d’interfaces définies, c’est l’encapsulation des fonctionnalités d’un device dans un composant logiciel.
Reste encore à connaître les passerelles qui devront exister entre Interbus et Profinet. Les travaux sont actuellement en cours, mais aucune information n’est disponible sur la manière dont ce passage sera mis en œuvre.
Toutes les topologies possibles
Elément important pour une implantation dans le monde industriel, c’est le respect des habitudes de topologie. Ethernet a perdu depuis longtemps sa topologie primitive avec le câble coaxial qui courrait de poste en poste, chacun prenant au passage les informations qui lui étaient destinées. Aujourd’hui, Ethernet utilise des Switch (voir notre dossier sur les Switch dans le numéro 32) avec une connexion en étoile, une implantation bien différente de celle des bus de terrain.
Autant une topologie avec des baies de brassage correspond bien au monde du bâtiment, autant dans un atelier il convient de mettre en œuvre une topologie linéaire. Avec Profinet qui utilise l’Ethernet commuté (switché), la topologie est libre avec des routages spécifiques des câbles en fonction de l’installation. Les structures peuvent être en étoiles, anneaux ou linéaires.
Dans cette lutte vers une communication industrielle sur Ethernet, Profinet n’est pas seul. On trouve dans les concurrents des bus comme PowerLink qui offre un temps réel isochrone pour Motion Control. B+R ayant mis dans le domaine public les spécifications de Powerlink, les utilisateurs peuvent rejoindre l’association éponyme. De même, Ethernet/Industrial Protocol répond à cette demande avec une prise en compte des notions de sécurité machine, dans ce cas c’est l’association DeviceNet/Controlnet qui regroupe les partisans.
Autre solution de la première heure, Modbus/TCP avec des applications d’entrées-sorties. A l’inverse il n’existe pas d’offre pour la gestion d’axes de type Motion Control.
D’autres tentent leur chance, que ce soit HSE, spécialisé dans le domaine du process continu, ou EtherCat poussé par Beckoff.
Dans tous les cas, c’est le marché qui choisira et pour l’Association Profibus, qui n’a pas encore changé son nom en Association Profinet, le changement se fera en fonction du rapport services/prix. Et tant que les solutions à base de bus de terrain resteront moins chères, éprouvées et assimilées par les utilisateurs, les solutions Ethernet ne seront pas choisies.
A l’inverse lorsque les utilisateurs commenceront à tirer profit des avantages des systèmes basés sur Ethernet et notamment l’apport de technologies comme le Web, et que dans le même temps les techniques de sécurité intrinsèques seront résolues, le basculement pourrait se faire rapidement.
L’association parle des années 2010 pour voir un basculement important de Profibus vers Pro
inet.
Le RoadMap
En attendant, le planning de Profinet est clair : les Asic pour fin 2004, la sécurité pour fin 2005, et le passage d’Ethernet pour le process en fin 2006.
Profibus sera sans nul doute un bon tremplin, et le passage sûrement assez rapide d’Interbus vers Profinet donnera un coup de fouet supplémentaire à la technologie.
Il ne restera plus aux fabricants de Switch et autres passerelles qu’à venir combler les trous avec leurs offres afin de rendre Profinet utilisable par le plus grand nombre. Ils y travaillent déjà. A Hanovre, Woodhead présentait une passerelle de DeviceNet vers Profinet. On trouve également des proxy pour faire l’interface avec Profibus PA pour les applications de process, ou avec le bus AS-interface.
Et le monde industriel n’est qu’un aspect des marchés potentiels. Nous avons évoqué rapidement le tertiaire et le bâtiment pour qui une solution 40 ms est suffisante, mais on parle de plus en plus de Profinet pour des applications qui jusqu’ici ne pouvaient être résolues avec Profibus.
C’est notamment le cas du ferroviaire qui a vu ces dernières années des bagarres importantes avec des choix divergeant entre Alstom, Bombardier ou Siemens. Une ouverture qui donne des arguments supplémentaires à l’association Profinet pour ne pas se cantonner au marché manufacturier.

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