Smart Grid

Quatre questions à Clément Le Roy

Manager
Energie chez Solucom, membre du groupe de normalisation de l’Afnor au sujet des
smart-grids

 

Ce spécialiste du smart-grid dans le cabinet
spécialisé dans le management et les technologies de l’information revient sur
l’intérêt de ces technologies pour les industriels, l’avancée des travaux, les
défis à relever et les écueils à éviter…

 

On parle beaucoup de smart-grid dans le
grand public, mais ce concept, cette technologie, s’adressent-ils aux industriels ?

Dans une
entreprise, lorsque l’on parle d’efficience énergétique et de smart-grid, on
s’adresse à plusieurs interlocuteurs : le client exploitant, le
gestionnaire technique, l’acheteur (gestionnaire de contrat) et la direction de
l’entreprise. Le smart rebat les cartes de cette organisation. C’est une
difficulté car tous ces acteurs doivent réfléchir ensemble. Les questions à se
poser sont nombreuses. D’abord : « quel parti puis-je tirer du
smart ? ». Il y a plusieurs réponses : devenir plus efficace,
bien sûr, mais aussi gérer les ruptures, via l’effacement. En termes
d’efficacité, le smart va permettre de considérer l’énergie comme un asset
comme un autre qui pourra amener à repenser la façon de produire. C’est un
champ vierge actuellement. L’effacement, lui, n’est pas nouveau. On avait déjà
les heures pleines et heures creuses, etc., prémisses du smart, mais il faut se
poser les questions de l’arbitrage économique. Ensuite viennent les questions :
« est-ce que les conditions techniques et réglementaires sont
réunies ? Quel impact tout cela a sur mon modèle ? ». Pour y
répondre, il faut un homme dans l’entreprise et un outil d’aide à la décision. Or
ils sont plusieurs dans l’entreprise à être impactés et les modèles n’existent
pas encore, il faut les construire.

 

Concrètement, quels sont les intérêts du
smart pour les entreprises ?

Pour
l’industriel, il compte trois composantes essentielles. D’abord, l’information :
je fais parler les chiffres. Il y a des solutions matures dans ce domaine, qui
permettent de mieux anticiper les décisions et de sensibiliser chaque personne
dans l’entreprise, poste par poste. Ensuite le smart doit permettre un pilotage
fin des usines. Attention, il ne s’agit pas de se substituer au pilotage dans
la production. Il faudra faire un mix entre les contraintes énergétiques et les
contraintes de production. Dans ce domaine, les solutions ne sont pas encore matures
et le monde de l’entreprise est un milieu cloisonné. Il n’y a rien en commun
entre les langages, les habitudes et les outils utilisés par les acteurs de la
production et ce de l’énergie dans l’entreprise. Pour tirer parti du smart, il
faut avant tout organiser le décloisonnement en termes de métiers et de
raisonnements. Ce sera sans doute le point de bascule qui ouvrira la voie de la
concrétisation du smart-grid dans l’industrie.

Enfin, le
smart doit être générateur d’économies. Les fournisseurs mettent en place leurs
offres. Auparavant, tout était basé sur les pointes de charge et des plages
horaires. Désormais, grâce à l’emploi de compteurs et de capteurs dans les
installations, on va pouvoir affiner ces offres. L’enjeu est important et le
demande est forte pour les  industriels
pour qui le faible coût de l’énergie constitue une condition à rester en France.

La priorité
est donc de trouver la proposition de valeur combinant ces trois piliers. C’est
pour cela que l’on multiplie actuellement des projets pilotes, afin de tester
les modèles.

 

Vous avez des exemples de pilotes dans le
monde industriel ?

Actuellement,
le projet Smart Electric Lyon, démarré en 2013, implique 25000 foyers, mais
aussi une centaine d’entreprises et de collectivités locales sur le territoire
du Grand Lyon. Les expérimentations ont commencé sur des volets tertiaire et
industriel. La partie tertiaire concerne un supermarché doté d’une GTB
intelligente ; la partie industrielle implique une usine de fabrication
d’extincteurs de Desautel, à Meysieu. Celle-ci s’est équipée pour mesurer sa
consommation énergétique et être en mesure intervenir directement sur son outil
de production en fonction de l’énergie nécessaire et disponible. Cet industriel
a notamment sauté le pas car il peut ainsi bénéficier de nouveaux tarifs
avantageux. L’expérimentation doit durer 12 mois, pour une possible
généralisation de ces technologies dans les prochaines années.

 

Comment se préparer au smart-grid quand on
est un industriel ?

D’abord
surtout ne pas toucher à l’outil de production mais commencer par la partie
« tertiaire » dans l’usine. Cela permet de toucher du doigt les
potentialités et de sensibiliser les employés sans prendre de risque inutile.
Ensuite, il faut faire des études technologiques et de compétences. Cela
rejoint un peu la démarche « lean manufacturing ». Il est important
de commencer par exploiter des données qui sont déjà présentes dans
l’entreprise. Elles seront déjà très utiles pour entamer sa démarche.

Dans le
smart, tout reste à faire. On commence seulement à définir les périmètres de
chacun. Actuellement, sur la partie technologique, toutes les conditions sont
réunies pour que le smart-grid s’applique aux sites industriels. Il reste
encore une réflexion à mener sur les autres aspects. Notamment, les data-scientists
qui seront chargés du travail de récolte et d’analyse de toutes les données
nécessaires devront prendre garde à adopter une vision ni trop « base de
données », ni trop « technologique », mais plutôt orientée
« métier ». On avance vite, mais il reste du travail…

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