Communication

Quatre questions à… Thomas Hahn, ardent promoteur de l’Industrie 4.0

Chief Software Expert chez
Siemens AG, Thomas Hahn est
connu en Europe pour être l’un des
grands architectes de l’Industrie
4.0. Il est membre des instances
dirigeantes d’organisations, comme
la Fondation OPC, la Big Data Value
Association ou encore, l’Openlab du
CERN et il participe aux travaux de
Platform Industrie 4.0, une initiative
des ministères allemands de
l’Economie et de l’énergie et, de la
Recherche et de l’éducation. Notre
rédaction l’a rencontré…

Comment définir aujourd’hui l’Industrie
4.0 : est-ce une communication
horizontale entre machines, ou un
système plus vertical avec des échanges
incluant les ERP, MES… et demain l’IoT et
le Big Data ?

Il faut toujours considérer le domaine, l’activité
dont il est question… Quand on pense Industrie
4.0, ça ne signifie pas seulement le lieu de production, mais aussi la chaîne logistique et
les services. Il faut considérer toute la chaîne de
valeur. Quand on parle de « processus-client »,
l’amélioration de la qualité est en jeu mais,
rentre aussi en ligne de compte une production
plus flexible en phase avec le marché et plus
efficace dans la consommation de l’énergie, des
ressources, etc.
En résumé : l’Industrie 4.0 consiste à répondre à
la demande du client en couvrant le réseau de
valorisation : produit, production, logistique,
services pour les clients… et tout ce qui
apporte la flexibilité permettant d’accompagner
les tendances du marché.

Que pouvez-vous dire des résultats
obtenus ces six dernières années ?

Nous avons tout d’abord rassemblé une
communauté que nous avons fédérée dans une
plateforme collaborative. En plus des savoirfaire et des compétences issus d’entreprises de
différents secteurs, nous avons ajouté les
personnes venant de laboratoires de recherche
car c’est un processus continu d’amélioration
des technologies qui est en ligne de mire.
Nous avons aussi associé des représentants
syndicaux puisque l’Industrie 4.0, implique de
réfléchir aux évolutions nécessaires dans
l’éducation et la formation mais également, de
penser aux transformations de l’environnement
de travail. Et puis, nous avons aussi rassemblé
des consortiums industriels qui regroupent un
grand nombre d’entreprises de toutes tailles
dans cette même plateforme de collaboration.
A cette infrastructure, s’ajoutent les initiatives
du gouvernement fédéral allemand qui
mobilise les ministères de la Recherche et de
l’éducation ainsi que celui de l’Economie et de
l’énergie.

La mise en place de cette plateforme de
collaboration où l’on peut s’exprimer
ouvertement avec différentes personnes
venant de différents secteurs, parlant de
différentes technologies, est en quelque sorte
notre première réussite.

Quels sont les activités de cette
plateforme de collaboration ?

Aujourd’hui, cette plateforme de collaboration
accueille; cinq groupes de travail. Le premier
qui est l’un des plus actifs, est dédié à la
standardisation des architectures pour créer
des modèles de référence. C’est ce que nous
appelons : Reference Architectural Model
Industry 4.0 ou en abrégé, RAMI 4.0.
Ce modèle de référence peut se résumer à une
structure en en trois dimensions (voir schéma)
qui montre comment aborder les questions
soulevées par l’Industrie 4.0. RAMI 4.0 garantit
que tous les participants impliqués dans les
discussions se comprennent.

Par exemple, nous dialoguons avec l’Industrie
du Futur pour faire croître ce modèle et piloter
ensemble son évolution, afin de montrer aux
entreprises européennes que nous allons vers
un « corps » de standardisation international.
C’est la prochaine étape vers laquelle tend ce
premier groupe de travail puisqu’il faut à terme,
disposer d’un modèle de portée mondiale. C’est
d’autant plus fondamental qu’aujourd’hui
toutes les entreprises, même les plus petites,
travaillent à l’international.

Deuxième objectif, nous regardons ce qui est
nécessaire à la recherche… pour cela nous
avons un planning qui permet de se projeter
vers les besoins à venir. Par exemple, nous
regardons déjà vers les services intelligents et
les systèmes autonomes qui sont déjà pilotés.
Dans ce groupe de travail, nous définissons
aussi les futurs scénarios et les cas d’utilisations
qui impacteront la chaîne de valeur.

Le troisième groupe de travail est dédié à la
sécurité avec quelques préoccupations
importantes comme par exemple,
l’identification et la gestion d’accès aux
machines, aux systèmes et aux usines. Nous
avons aussi conçu une ligne directrice pour nos
systèmes afin d’envisager ce que sont les
besoins, notamment pour apporter de l’aide
dans les études de sécurité.

Quatrième sujet, nous regardons l’aspect légal,
dans ce domaine je ne suis pas un expert, mais
nous nous penchons sur les questions liées à la
possession des données et à quoi ressemblera
le futur avec tous ces systèmes, ces machines
et ces usines connectés.

Et enfin, le cinquième groupe étudie l’influence
sur l’environnement de travail, les besoins en
matière de formation des personnels de
production d’une part, mais aussi, ceux qui
conçoivent et développent les produits.
Tous les résultats et les rapports d’activité sont
publiés sur Internet, ce qui permet à tout le
monde d’y accéder. C’est une ressource
importante puisque nous avons par exemple,
établi une coopération fructueuse avec
l’Alliance pour l’Industrie du Futur.

Il y a d’une certaine manière une
convergence entre l’Industrie 4.0 et
l’Industrie du Futur, comment est-il
possible d’améliorer les choses pour
gagner en efficacité ?

Nous avons préparé entre nos deux équipes et
nos deux plateformes de collaboration, un plan
d’action. Par exemple, nous travaillons
ensemble sur des scénarios et sur des tests
d’utilisation communs et nous réfléchissons à la
manière d’arriver à une standardisation
mondiale.

Nous avons mis en place il y a environ un an,
avec Philippe Darmayan qui est le Président de
l’Alliance pour l’Industrie du Futur, ce plan
d’action que nous avons présenté à nos deux
ministres de l’époque, Emmanuel Macron et
Sigmar Gabriel.

Depuis les premiers échanges, nous avons
accompli une grande somme de travail en
commun qui nous a permis de rentrer dans les
détails. C’est ainsi que nous avons formalisé
ensemble ce que doit être un scénario… Nous
réfléchissons à un organisme de
standardisation et nous parlons beaucoup du
modèle d’architecture de référence.

Sur toutes ces questions, nous sommes
attentifs aux idées que la France peut apporter
car bien évidemment, la digitalisation nécessite
une coopération qui va bien au-delà des
frontières : entre pays, entre entreprises, entre
différents types d’entreprises, entre
gouvernements, entre entreprises et
gouvernements, etc. C’est ce qui caractérise
réellement une coopération.

Nous avons déjà finalisé des documents à
propos des scénarios. Nous avions une vision
commune sur la manière d’aborder le cœur de
la standardisation et nous avons aussi défini les
premiers essais communs. A partir de ces
avancées, nous discutons aujourd’hui avec
l’Italie et aussi, avec d’autres pays de l’Union
européenne pour favoriser l’entrée de nos
entreprises dans la 4e révolution industrielle.

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