Informatique-Industrielle

Trois questions à Chaney Ho

Notre rédaction a profité de la
conférence Connect#2 organisée
mi-octobre par Factory Systemes
et WonderWare pour rencontrer
le président de la société
Advantech, M. Chaney Ho qui
nous a livré sa vision de l’IoT en
détaillant son influence sur le
monde de l’automatisation.

Vous dirigez une entreprise taïwanaise
mondialement reconnue dans
l’automatisation, comment percevez-vous
la France et son marché ?

Nous sommes taïwanais et notre société
aborde la marché mondial ; les États-Unis,
l’Europe et évidemment l’Asie. Le marché
européen n’est pas facile à aborder puisqu’il
compte vingt-quatre pays importants qui
chacun, présente des particularités uniques
que ce soit la France, le Royaume-Uni,
l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie… Mais à mon
sens, la France est l’une des nations qui
conduisent l’Europe, notamment avec
l’Allemagne. Et la France dispose d’un savoir
technologique avec de grandes entreprises
comme Schneider Electric qui joue un rôle
de leader à l’instar de Siemens en Allemagne
si l’on retient des entreprises qui sont très
impliquées dans l’automatisation. Au reste
Schneider est aussi l’un de nos partenaires.

En matière d’Internet des Objets, mon
sentiment est que la France est à la pointe
de l’innovation, tout spécialement dans le
domaine de la mise en réseau à distance
d’objets de faible puissance. Je citerai par
exemple, SigFox et LoRa, deux technologies
de réseau à faible puissance et longue
portée, nées en France. La Chine et le Japon
travaillent sur l’ioT depuis des années mais ils
n’ont toujours pas ce type de technologies
aujourd’hui. Et c’est ce qui fait qu’une
entreprise comme SigFox peut devenir un
acteur global.

Quel va être selon vous, l’apport de l’IoT
dans l’industrie ?

L’IoT est à la fois une technologie et un
modèle de business qui peut remodeler
nombre de marchés verticaux comme les
transports, l’agriculture, l’extraction minière,
et bien sûr la distribution, la logistique, les
services… tous ces secteurs peuvent
bénéficier de cette technologie pour
accroître la qualité, élargir l’offre de services
et améliorer la productivité. Surtout,
l’Internet des Objets peut entraîner une
transformation majeure du business model
des sociétés qui aujourd’hui vendent des
produits et qui demain, deviendront des
pourvoyeurs d’offres de service en direction
du client final, quelle que soit l’industrie
considérée.

Si le terme « IoT » s’est aussi rapidement
banalisé dans le langage de tous les jours,
c’est qu’il s’agit d’une technologie de rupture.
Cette technologie permet de mettre tous les
acteurs de la chaîne de valeur en contact
avec le client final. Et, c’est ce dernier qui
capte la plus grande part – environ 55 % –
des bénéfices qu’apporte cette technologie
notamment par une personnalisation
quasi-totale du service. Par exemple, au
travers d’une application qui localise le client
en temps réel, Uber peut radicalement
transformer le business model du transport
individuel de personnes quelle que soit
l’heure du jour ou de la nuit, en centre ville comme en banlieue et ce, partout dans le
Monde. Aujourd’hui, la capitalisation
boursière d’Uber est évaluée à 70 milliards
de dollars… C’est plus important que celle
d’un constructeur automobile comme
General Motors qui vaut environ 48 milliards
de dollars. Pourquoi ? Parce qu’Uber est
entièrement centré sur l’expérience-client du
client final même si ce modèle se heurte ici
et là aux politiques régissant le transport de
personnes comme les taxis ou les navettes
privées.

Comment votre entreprise s’apprête-t-elle
à devenir un acteur de ce marché ?

L’Internet des objets est aussi un élément clé
du processus de digitalisation. A travers ce
processus, il est possible d’obtenir un grand
nombre de données à partir d’un
équipement qui après analyse, va apporter
une vision prédictive.

Avec nos gammes de produits très
diversifiées, nous sommes déjà un acteur du
marché de l’IoT pour l’industrie. Nous
proposons des équipements qui sont au
coeur du traitement et de la circulation des
informations sur le marché de
l’automatisation. Nous proposons des
systèmes d’entrées-sorties numériques qui
permettent de collecter les données et,
nous concevons aussi des PC industriels et
des IHM ; ce qui constitue une offre
complète en systèmes matériels. Aujourd’hui,
nous évoluons pour proposer des logiciels
qui viennent compléter ces équipements
matériels. Comme Bosch, General Electric,
Schneider Electric ou Siemens, nous
proposons des middlewares pour mettre
nos systèmes en relation avec les services de
cloud. Nous adoptons une approche ouverte
qui nous permet d’exploiter aussi bien le
service IBM Blumix que Microsoft Azure ou
même, Alibaba qui est populaire en Chine ou
Amazon Web Service.

Pour être en mesure d’échanger des
données avec tous ces services de cloud,
nous développons des interfaces de
programmation d’application (API)
spécifiques compatibles avec un très grand
nombre de nos systèmes. Nos clients sont
ainsi en mesure de choisir quels middlewares
ils souhaitent installer pour se connecter au
cloud qui leur apporte le service le plus
adapté à leur besoin en matière d’analyse de
leurs données. Dans un proche avenir, la
concurrence que se livrent les promoteurs
du cloud va rendre ces services
extrêmement compétitifs. Pour le client final,
peu importe le cloud qui est utilisé par le
fabricant du produit dès lors que le service
qu’il permet d’apporter lui amère un bénéfice
réel.

Certaines entreprises pourront même créer
leur propre service de cloud sans passer par
une plateforme proposée par un tiers. C’est
notamment ce que fait Tesla qui dispose de
sa propre infrastructure de partage et
d’analyse d’informations qui suit en
permanence les 200 000 véhicules en
circulation dans le monde en récupérant des
informations directement depuis les
ordinateurs de bord.

S’agissant d’automatisation, les choses vont
devenir plus faciles grâce à l’Internet des
objets. Nous aurons de plus en plus de
capteurs miniaturisés à l’extrême et qui
présenteront une très faible consommation.
Ainsi, ils pourront par exemple, être
alimentés par une batterie qui apportera
plusieurs années d’autonomie et transmettre
les données à distance via un signal radio de
faible puissance. Il va être possible d’intégrer
de tels capteurs dans pratiquement tout
type de machines et d’équipements
industriels puisqu’il ne sera plus nécessaire
de les relier à l’installation centrale pour les
alimenter ou pour communiquer.

C’est en se sens qu’il va être plus facile de
concevoir et de mettre en place des
systèmes d’automatisation. Par ailleurs, une
part croissante des calculs va être réalisée
dans le cloud et seuls les résultats seront
renvoyés vers le système local en tenant
compte au besoin d’informations pertinentes
qui viennent d’autres installations. Le monde
de l’automatisation va donc être
profondément impacté par la transformation
rendue possible par l’IoT. On peut symboliser
cette évolution avec un schéma qui
ressemble à la lettre « M ». Nous venons d’un
modèle où les fabricants de puces
intégraient toujours plus de fonctionnalités
dans le silicium… Dans un proche avenir, les
systèmes reposeront sur quelques ASIC et
la valeur ajoutée sera concentrée dans les
services. Entre ces deux étapes, la valeur va
baisser puis croître à nouveau, c’est pourquoi
on parle de technologie de rupture à propos
de l’IoT.

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